Des femmes présentes sur le camp de ce qui fut, en mars 1954, la plus grande défaite française de la guerre d’Indochine, l’histoire officielle n’a retenu que l’infirmière Geneviève de Galard. Malgré leur bravoure et leur dévouement, d’autres recrues ont été occultées : les prostituées des bordels militaires. Des fantômes qui hantent les récits des vétérans.
Ce jour de septembre 2022, Alejandro Donoso Crespo dévidait la pelote serrée d’une vie de baroudeur. Il avait été long et tourmenté, le chemin qui l’avait mené depuis Cuenca, en Equateur, où il était né en 1927, jusqu’à cette chambre médicalisée d’un Ehpad de Libourne, en Gironde, où il finissait ses jours.
A cette dernière station, il disait ouvertement s’ennuyer d’une existence devenue insignifiante. Aux murs, des tableaux explosaient de couleurs. Il les avait peints à la fin de sa vie, renouant sur le tard, après mille aventures, après mille périls, avec la fibre artistique de Lola, sa mère, disparue quand il était encore jeune. Mais même ses pinceaux avaient fini par le lasser. « Ici, on me maintient vivant avec des médicaments », constatait-il.
La mort ne lui faisait pas peur. Il l’avait tant de fois côtoyée, il lui avait tant de fois glissé entre les doigts quand il était dans la Légion étrangère et se battait pour les causes perdues de l’empire français. La Camarde l’avait frôlé de près, en 1954, en Indochine, à Diên Biên Phu… Il lui avait fait la nique, cette fois encore. Fatigué de tout, iI l’a laissée cette fois le prendre, sans résister. Il s’est éteint le 12 février 2023.