À l’occasion de la sortie d’un coffret rassemblant ses films en version restaurée, édité aux Films du Camélia, retour sur cette figure marginale dans le Hollywood des années cinquante.
En 1950, Ida Lupino était la seule femme parmi un millier de membres de la Directors Guild of America, qui commençait donc apparemment ses sessions avec ces mots : “Gentlemen and Miss Lupino”. Pas facile dans ce moment si conservateur de l’histoire du cinéma de passer derrière la caméra officiellement. Ida Lupino, née en 1918 en Angleterre, enfant de la balle, puisque selon elle, on jouait Shakespeare dans sa famille depuis au moins trois générations, fut d’abord actrice, notamment dans des films de Raoul Walsh, qui sera pour elle une solide influence ; être comédienne était alors à peu près le seul moyen de faire du cinéma à Hollywood — elle racontera ensuite s’être ennuyée à mourir sur les plateaux de tournage, avec cette impression persistante que “quelqu’un d’autre faisait le travail intéressant”.
Elle réalise quelques séquences par-ci, par-là sans être jamais créditée, et puis un jour de 1949, on l’appelle en urgence pour faire un film indépendant qu’elle avait déjà scénarisé et produit — le réalisateur prévu, Elmer Clifton, étant mort soudainement d’une crise cardiaque. Ce sera Not Wanted, littéralement “pas voulue”, titre ironique pour le moins.
L’histoire d’une très jeune femme qui fuit un jour sa famille et son petit boulot de serveuse pour suivre un pianiste de bar qui ne veut pas d’elle. Elle rencontre un autre homme, pompiste, tombe enceinte, abandonne son enfant, puis, bouleversée, tente de voler celui d’une autre dans la rue. S’y dessine une grammaire singulière, qui s’attache à décrire une Amérique modeste, des situations souvent glanées dans l’expérience de Lupino elle-même ou dans des faits divers, et dont beaucoup regardent la vie de ses contemporaines : la maternité, le viol, la maladie, le handicap aussi. Le coffret rassemble quatre films aux titres froids, pragmatiques : Not wanted (pas voulue), Never fear (jamais peur), The hitch-hiker (l’autostoppeur), The bigamist (le bigame), tous restaurés ces dernières années, et qui ont fait l’objet de ressorties en salles.