Au 19ème siècle, l’enseignement se féminise et s’accompagne d’un lent mouvement d’émancipation. Si elles sont pionnières en matière d’innovations pédagogiques, les enseignantes peinent à accéder à des postes à responsabilité et subissent de profondes inégalités salariales.
En 1888, Marie Robert Halt fait paraître Suzette, livre de lecture courante à l’usage des jeunes filles. L’autrice est spécialisée dans les livres destinées à la jeunesse et fait partie du comité des Dames de la ligue de l’enseignement. Voici ce qu’elle écrit : « Les travaux intérieurs et les soins qui sont à la charge de la mère de famille se rapportent aux enfants, à la tenue de la maison, à la préparation des aliments, à l’entretien du linge et des vêtements. Il s’y ajoute à la campagne, la direction de la basse-cour et la culture d’une partie du jardin. » Dans cet ouvrage, une phrase sonne comme une sentence : « Son rôle, en un mot, est de s’oublier et de se sacrifier pour tous. » C’est cette histoire qui nous intéresse, celle de l’éducation des jeunes filles et celle de l’éducation de celles qui vont devenir des institutrices.
Les femmes et l’instruction
L’entrée des femmes au sein des structures scolaires se fait d’abord par le biais des congrégations religieuses. Ces femmes éduquent plutôt qu’elles n’instruisent, et il s’agit plutôt de transmettre des valeurs morales et religieuses que de réelles connaissances. Cet état de fait reste latent tout au long du 19e siècle. Les femmes sont de plus en plus nombreuses aux postes d’institutrices et de directrices d’établissement, mais ces progrès ne sont pas forcément synonymes d’émancipation. Il s’agit avant tout de mieux former l’épouse et la mère de famille, et de confier aux femmes des fonctions qui semblent s’accorder avec leurs supposées prédispositions naturelles pour l’empathie, l’éducation, le soin. « Il y a toujours une différence entre l’instruction telle qu’elle est donnée aux garçons et telle qu’elle est donnée aux filles. Même les réformes scolaires au moment des lois Ferry ne changent pas cette donnée de base », confirme Mélanie Fabre. « On n’attend pas la même chose d’une femme et d’un homme dans la société, donc on n’attend pas la même chose de l’instruction qu’ils vont recevoir, qui est là pour modeler les futurs adultes de manière différente selon le destin qui est associé à leur sexe. »