Depuis plusieurs années, les « Lectures du CRP19 », organisées par les doctorantes et les doctorants du Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle, laboratoire rattaché à l’ED 120 de l’Université Sorbonne Nouvelle, s’intéressent aux œuvres méconnues d’auteur.rice.s consacré.e.s. La neuvième édition propose cette année de redécouvrir La Femme au XVIIIe siècle (1862) d’Edmond et Jules de Goncourt.
Malgré plusieurs éditions au XIXe siècle, le texte de La Femme au XVIIIe siècle devra attendre près d’un siècle avant d’être publié à nouveau, en 1982, chez Flammarion, avec une préface d’Élisabeth Badinter. La réédition de l’œuvre en 2021 dans la même maison ainsi que chez Nouveau Monde Éditions indique l’intérêt croissant pour l’historiographie consacrée aux femmes en général et pour la place de l’histoire au sein des études goncourtiennes.
Bien que le XVIIIe siècle des deux frères ait souvent été associé à leur rapport à l’art, en tant que critiques et en tant que collectionneurs, on accorde aujourd’hui davantage d’attention à leurs travaux historiques comme un lieu d’élaboration esthétique et de positionnement idéologique. Si Edmond et Jules revendiquent leur statut de précurseurs d’une nouvelle approche historique, « l’histoire sociale retrouvée sous l’histoire », leurs contemporains reconnaissent moins en eux des historiens sérieux et méthodiques, que des peintres passionnés et fantasques, voire idolâtres, à reléguer du côté de la fiction et du plaisant. Pourtant, les deux frères n’ont pas complètement tort lorsqu’ils se déclarent précurseurs d’une nouvelle histoire : ils s’éloignent de l’histoire officielle, politique et diplomatique qui a cours, et privilégient une histoire des mentalités et des mœurs (vêtement, hygiène, alimentation, famille et éducation, mariage, politesse et coutumes, pratiques religieuses…), ce qui ferait de leurs travaux une préfiguration de l’école des Annales de Marc Bloch et de Lucien Febvre selon Jean-Paul Clément.