La philosophe Michèle Le Dœuff est l’une des pionnières des études féministes en France. Quoique méconnue du grand public, elle a publié trois livres essentiels sur le rapport entre les femmes et la philosophie, dont le dernier, Le Sexe du savoir, originellement paru en 1998, vient d’être réédité. Nous l’avons rencontrée.
On n’imaginait pas que préparer un portrait de philosophe puisse être chose aussi gaie. Et pourtant, on s’esclaffe, ou pouffe, on rit en compagnie de Michèle Le Dœuff, à travers ses livres comme au cours de l’entretien qu’elle nous accorde. Pionnière des études féministes en France, l’autrice de L’Étude et le Rouet. Des femmes, de la philosophie, etc., paru en 1989 (« Ce livre est une joie », écrira Gilles Deleuze à son sujet), reste pour partie méconnue du public – comme souvent avec les penseuses de sa génération, sa notoriété est davantage assurée aux États-Unis. La réédition il y a quelques semaines de son troisième livre, Le Sexe du savoir, est sans doute l’occasion de redresser ce tort.
Comment situer Michèle Le Dœuff dans le champ du féminisme ? Si elle est de la même génération que « la sainte trinité » Luce Irigaray-Hélène Cixous-Julia Kristeva (le mot, taquin, est de Christine Delphy), elle n’en partage ni vraiment les objets d’étude, ni la méthode. Spécialisée en épistémologie et en philosophie des sciences, attachée au commentaire rigoureux des textes classiques autant que contemporains, et ne présentant aucune passion pour les « demi-dieux parisiens » qu’étaient Derrida et Lacan, Michèle le Dœuff a œuvré toute sa vie à étudier « l’exclusion des femmes de la tradition philosophique et l’enracinement de certains réflexes et préjugés sexistes dans nos manières de philosopher », comme l’écrit Léa Védie dans la postface du Sexe du savoir.