13 mai 2024
histoire medecine, sante, pharmacie, femme, feminisme, culture, agenda

L’histoire fascinante de ces déesses qui ont dominé le monde

Avant l’irruption du patriarcat, une « culture préhistorique de la déesse » aurait prédominé dans le monde.

Notre civilisation l’oublie parfois, mais il fut un temps où Dieu était une femme. La préhistorienne américaine Marija Gimbutas (1921-1994) en fut toute sa vie persuadée. Selon elle, une « culture préhistorique de la déesse » aurait fait florès en Europe de – 30 000 jusque vers – 3 000, quand le patriarcat se serait peu à peu imposé. Tout cela est-il bien raisonnable ? « En l’absence de preuves tangibles, la prudence voudrait que l’on tienne ces thèses pour hypothétiques », prévient l’archéologue Jean Guilaine. Il n’est toutefois pas interdit de creuser l’hypothèse ! Les fouilles menées depuis un siècle ont révélé l’existence d’une multitude de statuettes féminines arborant des seins, fesses et vulves très développés. Sont-elles des déesses ? Aucune certitude. En revanche, à partir de – 12 000, ça se précise. Les premières civilisations du Proche-Orient, de l’Iran et de l’Inde créent des panthéons comptant des déesses féminines, des vraies ! Elles « expriment l’inépuisable fécondité de la terre et les mystères de la fertilité », note l’historien des religions Mircea Eliade (1907-1986).

Qui a mis fin au règne des déesses ?

Les hommes, pardi ! Devenus agriculteurs et sédentaires, ces messieurs avaient mieux compris les mystères de la vie. « Avec la connaissance de l’élevage et de la domestication des animaux, le rôle du mâle dans le processus de la génération fut peu à peu considéré comme vital, écrit l’historien des religions E. O. James (1888-1972) dans Le Culte de la déesse-mère dans l’histoire des religions. C’est probablement à ce moment qu’on assigna à la déesse-mère un partenaire mâle. » Ce dernier occupe longtemps « une position subordonnée », ajoute James. Au IIIe millénaire av. J.-C., la déesse sumérienne Inanna reste ainsi la force dominante en tant que source de vie et de fécondité des sols. Qualifié de « dieu-roi », le mâle est assujetti au monde terrestre et aux aléas du rythme saisonnier : il n’accède au statut divin qu’après sa mort par sacrifice, qui a lieu chaque année.

En Grèce, il faut attendre le IIe millénaire av. J.-C. pour que les déesses soient progressivement supplantées par leurs époux, ou par leurs pères. Prenez Athéna. Celle qui incarne la sagesse est issue d’une ancienne déesse vénérée en Egypte sous le nom de Neith. Les Grecs affadissent sa légende : c’est Zeus, un dieu mâle, qui accouche d’elle. Vers – 800, alors qu’une ville est fondée sous l’Acropole – la future Athènes –, ses habitants cherchent une divinité protectrice : Poséidon, le viril dieu de la Mer, ou Athéna ? La déesse fait apparaître un olivier. Poséidon fait jaillir une source d’eau. Mais comme l’eau est salée, les humains choisissent l’olivier, symbole de prospérité, et la déesse de la Sagesse comme patronne de leur nouvelle ville. Hélas ! Les Athéniennes paieront ce choix au prix fort : « Pour apaiser la colère de Poséidon, les Athéniens frappèrent les femmes d’une triple déchéance : elles ne durent plus à l’avenir être admises aux suffrages ; nul enfant en naissant ne dut recevoir désormais le nom de sa mère ; enfin il ne fut plus permis de les appeler Athéniennes », rapporte saint Augustin, évêque d’Hippone (Ve siècle).

// En savoir plus