Les pratiques liées à la pilosité racontent l’adhésion à des codes, et les tabous de chaque époque, à la croisée de l’intime et de la sociabilité. Entre désir et dégoût selon les cultures, ces usages délivrent une mine d’informations sur les rapports de pouvoir, en particulier liés au genre, dans une société qui demeure profondément patriarcale.
Ce fut l’un des enseignements inattendus des confinements imposés par la pandémie de Covid-19. Pendant quelques mois, un vent de liberté a soufflé sur les duvets et les toisons. Nombreuses sont celles, notamment parmi les plus jeunes, qui ont délaissé rasoir et épilateur. Selon l’institut de sondage IFOP, plus d’un tiers des femmes de moins de 25 ans déclaraient en 2021 s’épiler « moins souvent qu’avant le premier confinement ». Avec soulagement, si l’on en croit les réactions recueillies par le collectif Liberté, pilosité, sororité créé en 2018 pour dénoncer la « norme du glabre » : « une sacrée liberté ! » ; « un gain de temps et d’argent ! » ; « la fin des douleurs » ; « une réappropriation de mon corps », témoignent celles qui ont franchi le pas.
A peine sorties de leur huis clos, elles racontent aussi sur les réseaux sociaux les quolibets, insultes et même menaces dont elles font souvent les frais. Le compte @payetonpoil, lancé en juillet 2019 par de jeunes féministes dans le sillon de Metoo, est devenu le signe de ralliement de femmes en butte aux dégoûtés de tout poil. Elles y témoignent d’une stigmatisation ordinaire qui touche particulièrement les plus jeunes. Les réflexions commencent souvent dès l’enfance, au sein de la famille et à l’école, en particulier pour les brunes. Alors qu’une poignée de stars comme les chanteuses Madonna ou Beyoncé osent braver l’interdit, la plupart des femmes renoncent à afficher leur pilosité par peur de l’exclusion. « On constate qu’elles ne peuvent toujours pas disposer librement de leur corps », observent les militantes à l’origine de l’initiative.