29 avril 2024
histoire medecine, sante, pharmacie, femme, feminisme, culture, agenda

Beauvoir, explication de sexes

Quel rôle joue le corps des femmes dans leur histoire, dans la place qu’elles occupent dans le monde et la société ? Réponses avec cet extrait commenté du Deuxième Sexe.

« C’est là la conclusion la plus frappante de cet examen : [la femme] est de toutes les femelles mammifères celle qui est le plus profondément aliénée, et celle qui refuse le plus violemment cette aliénation ; en aucune l’asservissement de l’organisme à la fonction reproductrice n’est plus impérieux ni plus difficilement accepté : crise de la puberté et de la ménopause, “malédiction” mensuelle, grossesse longue et souvent difficile, accouchement douloureux et parfois dangereux, maladies, accidents sont caractéristiques de la femelle humaine * : on dirait que son destin se fait d’autant plus lourd qu’elle se rebelle contre lui davantage en s’affirmant comme individu. Si on la compare au mâle, celui-ci apparaît comme infiniment privilégié : sa vie génitale ne contrarie pas son existence personnelle ; elle se déroule d’une manière continue, sans crise et généralement sans accident. En moyenne, les femmes vivent aussi longtemps que lui ; mais elles sont beaucoup plus souvent malades, et il y a de nombreuses périodes où elles n’ont pas la disposition d’elles-mêmes.

Ces données biologiques sont d’une extrême importance : elles jouent dans l’histoire de la femme un rôle de premier plan, elles sont un élément essentiel de sa situation * : dans toutes nos descriptions ultérieures nous aurons à nous y référer. Car le corps étant l’instrument de notre prise sur le monde *, le monde se présente tout autrement selon qu’il est appréhendé d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi nous les avons si longuement étudiées ; elles sont une des clefs qui permettent de comprendre la femme. Mais ce que nous refusons, c’est l’idée qu’elles constituent pour elles un destin figé. Elles ne suffisent pas à définir une hiérarchie des sexes ; elles n’expliquent pas pourquoi la femme est l’Autre * ; elles ne la condamnent pas à conserver à jamais ce rôle de subordonné. » Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, t. I (Folio, Gallimard, pp. 72-73)

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