3 mai 2024
histoire medecine, sante, pharmacie, femme, feminisme, culture, agenda

Les femmes et la souveraineté alimentaire : résilience, autonomie et inventivité

Lire Femmes noires francophones, c’est, d’une certaine manière, apprendre à « briser les chaînes de l’académisme pétrifié ». Odome Angone, enseignante-chercheuse à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et militante, gabonaise de naissance, espagnole de nationalité et sénégalaise d’adoption comme elle aime à se présenter, nous prévient dès les premières lignes : ce livre « opte pour un style qui créé un lien social avec le lecteur, loin d’un ton professoral, magistral, soporifique et pédant » (p. 7).

Détruire le mythe de la sélection et de la séparation

Le livre invite, avant tout, à comprendre deux choses essentielles.

En premier lieu, on ne devient « intellectuelle libre » qu’en détruisant les présupposés de l’académisme ambiant, qui ne sont finalement qu’un avorton chronique de la colonisation et de la domination phallocratique. En ce sens, on peut être d’accord avec l’auteure sur l’idée que l’affirmation du modèle conceptuel de l’enseignement et de la recherche, dans les universités francophones, dissimule une sélection terrifiante.

Il y est question de séparation. Le pire de ses effets, c’est l’institution d’une méthode qui dessine les limites qui circonscrivent le champ des textes à commenter et la manière de les interpréter, et, partant, la manière même d’écrire un texte. Ce mythe de la sélection permet de dissimuler les opérations d’éliminations par lesquelles ont été exclus les textes écrits par les minorités (notamment les femmes noires) et le presque « hors bibliographie » que constitue tout le champ épistémique de nos savoirs endogènes. On voit bien, par-là, qu’il y a, pour tout universitaire francophone, un univers du « lisible », c’est-à-dire les textes qui lui permettent de penser en universitaire, et un autre univers de textes qui ne méritent pas d’être lus, dont le contenu, selon toute vraisemblance, ne s’élève pas à un niveau d’abstraction intellectuelle établi par la communauté universitaire. Les productions des femmes noires n’y échappent guère. Tout le chapitre IV, le dernier de l’ouvrage (pp. 167-233), fait justement voir ces exclusions voulues et choisies.

En second lieu, on voit bien que cette sélection, qui exclut et érige des frontières fixes entre les disciplines et les productions intellectuelles, ne fait que reproduire un « modèle ». Celui-ci n’obéit qu’à une seule loi : le monologisme scolaire qui conduit fatalement à la répétition. Par conséquent, être original et créatif, c’est accepter d’être à la marge, afin de brouiller les frontières théoriques à l’intérieur même des espaces où se produit le savoir. Femmes noires francophones de Odome Angone est l’illustration parfaite d’un tel pari, d’un tel courage !

On comprend pourquoi l’auteure a choisi de faire de cet ouvrage « un exercice de rédaction séquentielle, qui obéit à des étapes de la vie de l’auteure » (p. 8). Odome Angone nous suggère alors de « l’accompagner, en toute amitié et bienveillance, dans son aventure » (p. 7).

// En savoir plus