Le film « A deux, l’histoire de la femme de Chostakovitch », a été projeté pour la première fois en France en présence de la réalisatrice Elena Yakovich en novembre dernier.
Irina Antonovna Chostakovitch est devenue l’épouse de Dmitri Dmitrievitch en 1962 et a été à ses côtés jusqu’à son dernier souffle. Pour la première fois, elle a accepté de partager l’histoire de sa vie et de leur destin commun. Elle est le principal témoin de la vie du grand compositeur et parle d’un Chostakovitch connu d’elle seule : comment ils se sont rencontrés, comment il était dans la vie de tous les jours, comment il composait de la musique et craignait de perdre son don, comment il aimait le football et les livres, comment ils ont lutté pendant des années contre sa maladie, alors qu’il continuait à créer, et sur son décès tragique. Il s’agit d’un film-monologue, d’un film-confession d’Irina Antonovna sur elle-même, son époque et Chostakovitch.
Malgré la différence d’âge, de nombreux aspects de leurs biographies se chevauchent. Le tragique XXe siècle les a touchés tous les deux : répressions, arrestations et guerre. Tous deux étaient originaires de Léningrad. Elle est née en 1934, un jour avant l’assassinat du dirigeant de Léningrad, Sergueï Kirov, qui a déclenché la répression stalinienne. La même année, l’opéra du jeune compositeur, « Lady Macbeth du District de Msensk » est joué à Léningrad et à Moscou, et sur les meilleures scènes du monde. En 1937, son père, secrétaire académique du Musée ethnographique de Léningrad, était arrêté et envoyé au goulag. Chostakovitch attendait également son arrestation : Staline s’était rendu au théâtre pour voir Lady Macbeth et avait rendu son verdict :« du chaos à la place de la musique ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle était une enfant du blocus ; il était le compositeur de la Septième Symphonie de Léningrad, qui résonnait dans le monde entier comme un symbole de la ville assiégée. Elle a été évacuée via la « Route de la vie » sur la glace du lac Ladoga, la seule voie de transport reliant Léningrad au reste du monde. Lui, avec Akhmatova et Zoshchenko, a été évacué de Léningrad à Moscou à bord d’un avion militaire, sur ordre personnel de Staline. Leurs chemins d’évacuation les conduisirent tous deux à Kuybyshev, où, le 5 mars 1942, sa Septième Symphonie fut jouée pour la première fois. Par un étrange coup du sort ou du destin, les chemins d’Irina Supinskaya, six ans, future Mme Chostakovitch et du déjà célèbre compositeur se sont croisés pour la première fois. À Kuybyshev, ils vivaient dans le même immeuble à des étages différents, mais ils l’ont appris bien plus tard ; il faudra attendre 20 ans avant qu’ils ne se rencontrent à Moscou.