Des journaux et des femmes : la place des femmes dans la presse de la Belle Époque à la fin des années cinquante

Colloque Sorbonne Université, 28-29 novembre 2024 organisé par Amélie Auzoux (Sorbonne Université), Claire Blandin (Université Sorbonne Paris Nord) et Élisabeth Russo (Sorbonne Université)

« La carrière du journalisme a beau être à la fois orageuse et encombrée, les femmes aujourd’hui s’y adonnent ; de plus en plus nombreuses, avec une impétuosité et une intelligence qui charment les uns, et aux autres font peur », écrivait Jules Bois dans Gil Blas en 1904. Quel rôle ont tenu les femmes dans la presse française de la première moitié du siècle ? Où se trouvent-elles ? Rejouent-elles une partition inégalitaire des rôles en étant réduites, une fois de plus, au « deuxième sexe », reléguées aux chroniques dites « féminines », visibles à la « quatrième page » des quotidiens, « celle des articles de mode et des recettes de beauté », pour reprendre l’expression de Simone Téry ?

De la loi sur la liberté de la presse, qui ouvre l’ère d’une « culture médiatique », pour reprendre les travaux de Jean-Yves Mollier, aux années cinquante, où le médium de la presse se voit concurrencé par d’autres médias comme la télévision ou la radio, comment les femmes s’emparent-elles des pages des grands quotidiens ? Poser la question de la place des femmes au sein de de la presse féministe/féminine (FeminaLa Femme, La FrondeLa FrançaiseMinervaLa Femme de France) ou enfantine (La Semaine des enfants) imposerait un biais à notre étude. Seule la prise en compte d’une presse généraliste, comme y invite Marie-Ève Thérenty (Femmes de presse, femmes de lettres, 2019), peut révéler des présences, des absences, des trajectoires, des évictions. Où sont les femmes dans Le Petit ParisienLe MatinLe JournalLe Petit Journal ou L’Écho de Paris ? La « citadelle du journalisme » est-elle restée « fief masculin », selon le constat, faussement éploré, du journaliste antiféministe Maurice de Valette en 1922 ? Le grand quotidien, comme la revue littéraire, possède sa hiérarchie propre : hiérarchie de l’information et de ceux qui la divulguent. Pourtant le journal n’est pas la revue (cf. Des revues et des femmes, 2022).

À ce propos, la femme journaliste n’apparaît-elle pas doublement transgressive, quittant la sphère du foyer, mais aussi celle de la « haute littérature » que servaient les revues ? Alors que les femmes assument les chroniques politiques et sociales de La Fronde (1897-1930) exclusivement rédigée par des femmes, celles-là sont-elles écartées de l’actualité dans les grands quotidiens ? En outre, les femmes journalistes se démarquent-elles de leurs homologues masculins dans leurs pratiques et leurs choix d’écriture ? Comme le souligne Martine Reid, les femmes journalistes « font preuve d’une remarquable inventivité formelle, créant de nouveaux “genres” (le reportage d’identification, la chronique et la chroniquette, l’interview), généreusement imités ensuite, l’histoire de la presse n’ayant guère jusqu’à présent rendu justice à leur présence, et à la nature spécifique de leur participation à ce nouveau métier » (Femmes et littératures, t. II, 2020, p. 86). Concernant le genre mitoyen du reportage, parent pauvre de la –  « grande » – littérature, que dire aussi de la manière dont les femmes s’en sont emparées ? Séverine, Colette, Andrée Viollis, Maryse Choisy, Simone Téry, Odette Pannetier, Hélène Gosset, Titaÿna, Lucie Delarue-Mardrus, Renée Lafont, Gabrielle Bertrand, autant de « reporteresses » célèbres : faut-il en conclure que les femmes sont surreprésentées dans ce genre en quête de légitimité ?

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