Quel regard les hommes ont-ils porté au cours de l’histoire sur le corps des femmes ? Un historien s’est penché sur la question. Il a étudié la façon dont le corps féminin est perçu en Occident depuis le Moyen Âge. La lecture de son livre est éprouvante.
« Le corps des femmes – Mille ans de fantasmes et de violences », c’est le titre du livre que Stanis Perez a publié aux éditions Perrin (2024). Cet historien a beau être spécialiste de l’histoire de la médecine, et donc familier des témoignages ou des récits douloureux, il admet que ses derniers travaux de recherche ont été difficiles. La lecture de son ouvrage est d’ailleurs éprouvante. Stanis Perez retrace la longue et douloureuse épopée du corps féminin. Un corps à la fois exploité, convoité, craint. Du Moyen Âge à aujourd’hui, l’historien scrute la façon dont, en Occident, les hommes ont perçu le corps des femmes. Il dégage une constante : le complexe de Cléopâtre.
Le complexe de Cléopâtre
Objet de fantasme et d’aliénation, d’idéalisation et de répression : c’est ainsi que l’on peut définir la façon dont le corps féminin est perçu en Occident depuis le Moyen Âge. En témoignent les œuvres artistiques, des toiles les plus célèbres aux romans, mais aussi les rapports de police et la jurisprudence. Et c’est ce double mouvement à la fois de « réification » et de « destruction du corps » qui a inspiré à Stanis Perez l’idée du « complexe de Cléopâtre », comme il le définit. L’historien conceptualise ainsi la façon dont nombre de femmes ont été, au cours de l’histoire, « désirées, idéalisées, convoitées » et, de ce fait, en sont venues, « fatalement », à susciter « une haine des hommes » – une « haine qui leur est fatale ».
« En écrivant ce livre, à la fois je fais œuvre d’historien, mais également d’observateur d’une évolution sociale qui conduit à l’actualité. » Son livre est paru en août 2024, juste avant le procès des viols de Mazan. Est-ce à dire qu’en mille ans, nous n’avons pas su infléchir ce regard porté sur les femmes, fait de désir et de crainte ? « Ce qui est anthropologique ne peut pas changer, répond Stanis Perez. C’est triste à dire mais le désir restera le désir. Le complexe de Cléopâtre, ce balancement entre le désir et la violence, il existera toujours. »






