« Voix d’or et petites mains », une histoire déconstruite du travail des femmes au théâtre se décline en deux volets : un volume de la Revue d’histoire du théâtre et un podcast constitué d’entretiens avec des régisseuses, créatrices son, créatrices lumière… à écouter en septembre 2025.
Présentation
Longtemps rapportée par des hommes, souvent mal référencée et fréquemment minimisée, l’histoire des femmes de théâtre demeure lacunaire. Et, pour commencer, est-il pertinent de la réduire au clivage entre des divas, autorisées à toutes les audaces, et une armée de « petites mains », reléguées à des fonctions subalternes et genrées ? Tandis que nombre de femmes accèdent aujourd’hui à des postes de direction artistique, technique ou administrative, et que la recherche s’attache davantage à mettre en lumière la contribution des créatrices à l’histoire des arts de la scène, comment déceler et comprendre les mécanismes d’invisibilisation et d’oubli de l’activité déjà ancienne des femmes dans la création théâtrale ? Quels partis-pris d’écriture et d’élaboration de l’histoire ont contribué à infléchir, et parfois même effacer, la mémoire des nombreuses directrices et administratrices de théâtre des siècles passés, et la contribution des femmes à la constitution du répertoire, l’émergence de la mise en scène, et les innovations techniques et scénographiques ? Par quels biais les stéréotypes genrés ont-ils façonné une hiérarchie symbolique entre ces métiers, renforçant la marginalisation de certaines fonctions ?
Prenant acte de ces questions, ce numéro invite à explorer les mécanismes de transformation et d’inflexion des discours et des représentations dédiés aux femmes de théâtre. Il examine comment la canonisation de certaines artistes – souvent réduites à des anecdotes sensationnalistes – a servi à établir des normes clivantes, pour mieux effacer et réduire le travail des femmes de la coulisse. Depuis les premières tentatives, érudites ou populaires, d’écriture de l’histoire du théâtre, les moments de bascule idéologique et épistémologique ne sont pas systématiquement porteurs de progrès dans l’histoire des spectacles, et participent parfois de formes de régression, altérant le regard porté sur les femmes de théâtre, leur place et la vision qu’on en donne.